Ergonomie et conception
Cette page vise à expliquer pourquoi la conception est incontournable pour véritablement transformer et améliorer les situations d’usage et de travail. Après une présentation rapide de la conception ergonomique et de l’évolution des pratiques qui y conduit, vous trouverez plus bas deux exemples précis qui permettent de comprendre ce qu’est exactement une conception ergonomique qui dépasse la simple production de préconisations.
Proposition de définition de la conception
La conception consiste à imaginer et définir une solution (produit, aménagement, service, organisation) visant à concilier des besoins et des objectifs parfois contradictoires.
La conception ergonomique
Le concepteur ergonome conçoit des situations d’usage et de travail ; il définit des outils, des flux, un environnement, une implantation, des modes opératoires, etc. pour permettre de réaliser un objectif donné dans de bonnes conditions de performance et de santé pour l’utilisateur ou l’opérateur.
Son livrable est un descriptif précis de la situation future (plans, procédures, organisation, etc.) qui tient compte des besoins des utilisateurs, mais aussi des contraintes techniques, organisationnelles et budgétaires de sorte que la solution décrite est réalisable techniquement et budgétairement.
Evolution des pratiques en ergonomie
Une ergonomie d’analyse puis de préconisation vers une ergonomie de conception
Phase 1 : ergonomie de l’analyse ; une conception inexistante
L’ergonomie est une discipline dont l’objet est le travail ; les concepts et méthodologies développées permettent d’expliquer les relations
entre les déterminants du travail et les effets sur la santé des opérateurs ainsi que sur la performance de l’entreprise.
L’ergonome remet son rapport d’étude et espère que cette production de connaissance sur le travail produira des effets positifs.
Phase 2 : ergonomie de la préconisation ; une prise en compte limitée des besoins utilisateurs
La professionnalisation de cette discipline, avant les années 2000, a orienté la pratique vers la transformation des situations de travail pour les améliorer du point de vue de la santé et de la performance. Depuis quelques décennies, les ergonomes préconisent des modifications.
Cette approche a rapidement atteint ses limites, car les concepteurs recueillant toutes les préconisations (formalisé dans un rapport d’étude) peuvent être confrontés :
- à des attentes contradictoires (une à une les préconisations peuvent être pertinentes sans forcément constituer un ensemble cohérent),
- à une incapacité à les traduire par des solutions techniques.
Des arbitrages sont donc réalisés et le résultat est toujours très éloigné de ce qui pouvait être envisagé.
Phase 3 : ergonomie de préconisation et suivi, intégrée à la conception
Depuis les années 2000, les ergonomes ont cherché à accompagner les projets tout au long du processus pour contribuer aux arbitrages lorsque des contraintes nouvelles remettent en cause une orientation importante.
C’est beaucoup mieux, mais cela ne suffit pas : la cohérence d’ensemble n’est pas garantie par l’ergonome qui se retrouve à instruire des questions spécifiques qui émergent de façon éparse.
Phase 4 : ergonomie de conception en amont de la conception technique
L’aboutissement de cette évolution vers une transformation efficace des situations de travail consiste à assurer la conception des futures situations de travail.
Ceci nécessite d’utiliser des outils pour formaliser les solutions tout au long du processus. Pour les aménagements d’espaces, des logiciels 2D (par exemple AutoCAD) ou 3D (Sketchup, PConPlanner, …) peuvent être utilisés pour définir les implantations et circulations futures ; pour les interfaces, des applications permettent de réaliser des maquettes de pages-écrans que les développeurs en informatique réaliseront dans un second temps.
Cette approche existe, mais reste encore rare
Exemples de préconisations et suivi vs conception proprement dite
Exemple d’approche avec préconisations et suivi
La vidéo ci-dessous présente, de façon très didactique le rôle des ergonomes dans un projet architectural. L’approche présentée relève d’une ergonomie de préconisation et de suivi ; l’ergonome réalise une analyse du travail dont les conclusions permettent de rédiger un cahier des charges sur ce qui attendu.
L’ergonome évalue ensuite avec le maitre d’ouvrage et les utilisateurs si les concepteurs ont bien répondu aux besoins formalisés dans le cahier des charges.
Les images ci-dessous illustrent ce que le concepteur propose et ce sur quoi l’ergonome et les utilisateurs se prononcent.
Ce que n’indique pas la vidéo, c’est que pour concevoir il est nécessaire d’intégrer différentes contraintes parfois contradictoires. Lorsque le concepteur présente ses premiers résultats, des choix de conception importants sont déjà ancrés. Il est toujours possible d’infléchir certains points, mais les modifications sont réduites compte tenu des contraintes techniques et budgétaires associées à l’orientation générale déterminée par le concepteur.
En ergonomie de conception, l’ergonome dessine la situation future afin d’être en mesure de résoudre les problèmes qui se poseront selon ses perspectives de prise en compte des utilisateurs. Par exemple, la passerelle d’accès et la cuve seront dessinées pour être à la bonne hauteur, mais ce faisant, elles seront aussi dessinées en fonction des autres contraintes de fonctionnement. Lorsque tous les éléments sont dessinés avec la validation des experts technique (faisabilité), le projet a alors pris en compte la totalité des besoins utilisateurs.
Exemple d'ergonomie de conception
La passerelle d’accès de maintenance en toiture de train, ci-dessous, a été dessinée au cours d’un processus de conception ergonomique. Les contraintes techniques de structures ont été intégrées pour s’assurer par exemple que les poteaux de maintien ne gênent pas la circulation en partie basse ni les accès maintenance. D’autres spécifications techniques ont été prises en compte tel que les dimensions du train et ses marges de mouvement pour ajuster au mieux les différents combles-lacunes.
Une fois la conception fonctionnelle terminée (avec intégration des contraintes techniques), le projet a été transféré à un bureau d’étude pour réalisation des études d’exécution.
La réalisation (voir photo) est conforme à la conception fonctionnelle.
D'autres pages sur la conception ergonomique
Vous trouverez sur d’autres pages, que la conception ergonomique s’applique aussi bien à la conception de postes industriels d’outils qu’à la conception de mobiliers sur mesure ; un page présente aussi des règles générales de conception produit
L’ergonome est un concepteur comme un autre
Les concepteurs (architecte, designer, ingénieur méthode, etc.) ont pour point commun de définir des objets (du trombone au gratte-ciel), en tenant compte d’une multitude de contraintes (usage, technique, économique, etc.). Le concepteur architecte, sur la base d’un programme, conçoit un bâtiment répondant aux multiples attentes du maitre d’ouvrage tout en intégrant les multiples contraintes techniques et économiques en s’appuyant sur une équipe composée d’économiste, paysagistes, acousticiens… parfois d’ergonomes. Le concepteur ergonome conçoit des situations d’usage et de travail en intégrant lui aussi de multiples attentes et contraintes ; il s’appuie pour cela sur les utilisateurs concernés et sur de nombreux acteurs de conception (bureau d’étude, service méthode, Ingénieur HSE, etc.). Il s’agit dans tous les cas d’une « conception intégrée » favorisant la participation de différents acteurs et experts du projet.
Qu’est-ce que concevoir pour un ergonome ?
Le concepteur ergonome conçoit des situations d’usage et de travail c’est-à-dire qu’il va définir des outils, des flux, un environnement, une implantation, des modes opératoires, etc. pour permettre de réaliser un objectif donné dans de bonnes conditions de performance et de santé pour l’utilisateur ou l’opérateur.
Son livrable est un descriptif précis de la situation future (plans, procédures, organisation, etc.) qui tient compte des besoins des utilisateurs, mais aussi des contraintes techniques, organisationnelles et budgétaires.
Tout comme l’architecte s’appuie sur des ingénieurs structure pour définir son bâtiment, l’ergonome s’appuie sur des compétences techniques pour définir les solutions qui pourront être mise en œuvre.
Les partis-pris du concepteur ergonome
Concevoir c’est aussi prendre parti et arbitrer de nombreux points qui ne sont pas tous exprimés et débattus.
Obligation de moyens et obligation de résultats
D’aucuns pourraient opposer que l’ergonome n’a qu’une obligation de moyens contrairement à un concepteur technique qui se doit de livrer un dispositif qui fonctionne (obligation de résultat). Les concepteurs ne sont pas que techniques ; l’architecte se doit d’atteindre un résultat et s’appuie pour cela sur des experts techniques ; mais il doit aussi livrer un ouvrage satisfaisant ; cette partie relève d’une obligation de moyen : une circulation jugée peu pratique par les usagers ne relèvera pas de la garantie décennale.
Apport de l’analyse du travail ou plus précisément l’analyse de l’activité pour la conception
L’analyse du travail « réel » seul est sans fin ; le « réel » dans une perspective absolue échappe à l’analyse.
L’analyse utile doit permettre de répondre à deux types de questions :
- les questions qui permettent de construire la problématique qu’il faut résoudre
- et celles qui permettent de valider la pertinence des choix de conception.
Ergonomie de conception vs ergonomie de correction, c’est une question de données d’entrées
L’ergonomie visant l’amélioration des situations, elle est toujours de conception. L’ergonomie de correction est une forme particulière de conception, car il s’agit, à partir d’une situation existante, de concevoir une situation future qui soit améliorée. Dans ce cas la situation existante est riche d’enseignement sur ce qu’il est nécessaire de prendre en compte dans une situation future. L’ergonomie de conception sans situation de référence à laquelle se raccrocher est très rare ; même lorsque « tout change » il arrive souvent que la matière à transformer soit la même, une partie du flux d’approvisionnement soit le même, etc. Dans ce cas les données d’entrées sont collectées dans différentes situations actuelles, de références, plus ou moins proche de la situation future à définir. Dans l’absolu, l’ergonomie pourrait aussi s’appliquer pour concevoir une situation de travail qui n’existe absolument pas (nouvelle production innovante nécessitant des machines spécifiques et de nouveaux métiers, etc.). Dans ce cas, l’ergonome s’appuiera sur la bibliothèque de situation qu’il aura constituée au cours de sa carrière. Moins les données d’entrés sont disponibles plus l’expérience doit être importante. Quelle que soit la disponibilité des données sur les besoins utilisateurs, l’ergonomie est toujours de conception.